The bubble
« Il est interdit de filmer et puis après tout je men fous »
Chef de file du cinéma engagé israélien, Eytan Fox, qui avait signé voilà près de trois ans lexcellent « Tu marcheras sur leau » nous propose sa nouvelle réalisation, « The bubble ». Après cette histoire dagent du Mossad se liant damitié malgré ses préjugés à jeune allemand homosexuel et petit-fils de nazi, il nous revient avec un sujet tout aussi accrocheur, à savoir une liaison homosexuelle entre un israélien et un palestinien. Du lourd, quand même !
En tous cas, si on reste libre dadhérer ou non aux films réalisés et proposés par Fox, on doit au moins lui reconnaître que ses films ont le mérite de faire réfléchir et dinciter à la discussion. Et on doit reconnaître également que son film précédent, « Tu marcheras sur leau » était non seulement bouleversant, mais quil montrait létendu du talent du bonhomme. « The bubble » devenant du coup un film à voir absolument. Impressions.
« Alors les mecs à larmée ? Pas même un mignon terroriste ? »
Lhistoire :
Noam termine son service militaire. Affecté à la surveillance dun check point, il vit tous les jours dans le stress et voit les palestiniens sy faire humilier quotidiennement. De retour à sa vie civile, à Tel Aviv, il retrouve son emploi de disquaire, et surtout ses deux colocataires, Yali le gérant de café et homosexuel comme lui, et Lulu vendeuse délurée dun salon de beauté. Tous trois partagent un appartement dun quartier branché de Tel Aviv, surnommé « The bubble », la bulle, en raison de son calme apparent, et de son éloignement physique et idéologique des idées bellicistes. Un jour le calme est troublé par la venu dAshraf, un palestinien que Noam avait croisé au Check point. Entre ces deux-là, un amour improbable naît très vite. Et qui impose un certain nombre de contraintes
« Cest quoi la récompense du martyr homo ? 70 monsieurs muscles ? »
La force du cinéma de Fox, cest de reposer avant tout sur des idées intelligentes. Cinéaste ouvert, moderne, revendiquant lidée dune certaine conception libérée de la société, il se place toujours en observateur critique de la politique souvent violente dIsraël. Et ce sans sombrer dans langélisme, puisquil montre également, et cest le cas dans ce film, la bêtise primaire des ripostes palestiniennes. A ce titre, et comme « Tu marcheras sur leau », « The bubble » est intéressant à plusieurs niveaux. Tout dabord, spécialement pour les spectateurs internationaux qui ne sont pas spécialistes, il offre une vision intéressante dune partie de la jeunesse, ouverte et éprise de libertés, qui existe aussi en Israël. Mais le film est intéressant aussi car il propose une réflexion plus profonde sur le conflit au travers du prisme de lamour que se porte deux hommes venant chacun dun côté. Ressortissants de deux nations qui saffrontent, homosexuels dans des pays où le poids de la religion est quand même important, leur rencontre est aussi belle quimprobable et impossible. En soulignant la barbarie des uns (côté israélien, les humiliations quils font subir aux palestiniens lors des check points, le bellicisme lattent avec les passants qui les empêchent de distribuer leurs tracts, et surtout avec le « dommage collatéral » que constitue lassassinat de la sur), et des autres (Côté palestinien, il montre notamment le manque douverture des gens avec la sur qui juge violemment son frère après son coming-out, ou encore la barbarie des ripostes aveugles que sont les attentats suicides), sans réellement prendre position, il délivre un message politique fort, et qui fait du bien, loin de ce que les instances de ces deux états peuvent prôner dans les médias.
Lautre force de Fox, cest la fluidité quil donne à lensemble. Passant de moments dune rare légèreté, filmés à la manière de « Lauberge espagnole », on passe à des moments beaucoup plus crispants où la caméra se fait beaucoup plus nerveuse dun seul coup. On regrettera cependant la fin, déconcertante et inutile, qui ne plombe pas pour autant lensemble. Il est également renforcé dans sa démarche par une interprétation formidable de manière générale, la palme revenant à Yousef Sweid (dans le rôle dAshraf), bouleversant de bout en bout. Daniela Wircer, brille par sa légèreté finalement très grave et nous délecte dun joli numéro de franglais, tandis que Ohad Knoller et Alon Friedman sont toujours très justes.
« Il y a peut être un paradis où nous pourrons nous aimer »
En conclusion, Eytan Fox nous revient trois ans après lexcellent « Tu marcheras sur leau » avec un nouveau film politiquement critique et très fort, « The bubble ». Nom du quartier jeune et branché de Tel Aviv, qui vit assez déconnecté avec ce qui se passer dans le reste du pays et des territoires et où règnerait presque une certaine forme dinsouciance, il sert de cadre à lamour improbable que vivent deux homosexuels, un israélien et un palestinien. Traité avec finesse, reposant sur un scénario des plus intelligents et une interprétation de grande qualité, il propose un portrait intéressant sur une jeunesse finalement éprise de libertés et de paix, ainsi quune reflexion certes redondantes mais toujours indispensable sur labsurdité de la guerre. Le propos et le traitement sont probablement moins forts que dans son film précédent, tout comme les émotions suscitées. Néanmoins, Fox simpose peu à peu comme le chef de file du cinéma contestataire israélien et propose des films à la portée politique forcément indispensable. A voir.
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