La vie d'artiste
« Ton créneau ça nintéresse personne »
Paris. Trois personnages rêvent de gloire et de reconnaissance artisitiques et se retrouvent confrontés aux affres de la vie dartiste. Alice, la quarantaine, est comédienne. Elle gagne très bien sa vie grâce à ses activités de doublage dun dessin animé japonais très regardé. Pourtant, elle rêve toujours de grands rôles et de gloire. Bertrand, quant à lui, est professeur de français dans un lycée. Son premier roman vient dêtre publié, et il en espère la consécration. Il planche déjà sur son deuxième roman, qui déçoit ses proches qui ont le droit de le lire, et quil narrive pas à terminer. Jusquà ce quun de ses élèves lui confie un manuscrit quil a écrit pour avis. Devant le texte remarquable quil a entre les mains, la tentation de se lapproprier est grande. Enfin, Cora rêve de devenir chanteuse. Admiratrice des vieux chanteurs à textes, elle peine à percer dans un monde où la mode fait la loi. Tantôt animatrice de karaoké, tantôt serveuse, elle vivote jusquau jour où elle rencontre une ancienne gloire de la chanson prête à travailler avec elle.
« Ton roman, on sait quil va finir dans le bac à soldes de chez Gibert »
Pour son premier long après plusieurs courts remarqués, Marc Fitoussi avait choisi rien de moins quune réflexion sur lunivers artistique, de la légitimité à exister en temps quartiste par son talent, à la dure réalité du succès, qui repose souvent sur des choses et des évènements irrationnels. Sujet délicat donc, dautant quil a été largement défriché sur grand écran, avec des films tels que « Comme une image » (Jaoui 2004), « Mensonges et trahisons » (Tirard 2004), « Mes meilleurs copains » (Poiré 1989), « Imposture » (Bouchitey 2005), ou encore « Les amitiés maléfiques » (Bourdieu 2006), pour ne citer que ceux-là. Dautant plus également que Fitoussi avait pris le parti de proposer cette variation par le biais dun scénario mettant en scène trois personnages réunis par les mêmes envies de gloire et la même envie de forcer le destin, mais qui ne se croisent jamais. Mais voilà. Marc Fitoussi est novice en ce qui concerne lexercice du long métrage. Et on retrouve dans son film un défaut inhérent à la plupart des premiers films, à savoir une volonté louable de contrôle du film qui lempêche en permanence de décoller. Dun scénario trop écrit et trop linéaire sur lequel il na pris aucune liberté, Fitoussi na pas non plus chercher linnovation, se bornant à illustrer ses interrogations par des scènes de quiproquos franchement prévisibles et rabâchés. Que ce soit Alice qui paie un passant qui savèrera être le réalisateur pour qui elle doit faire un essai, ou Bertrand qui fera une séance de dédicaces avec un public absent avant de sapproprier le mémoire de son élève, on ne pourra que reprocher à Fitoussi le manque doriginalité de ses situations tragi-comiques qui sentent trop le déjà-vu. Un comble pour un film qui traite de la création. Dautant que le tout se suit assez laborieusement, la faute à des problèmes de rythme, accentués par la succession de ces tranches de vies découpées de manière trop linéaire et rarement pertinente.
« En trente ans de métier, jen ai tiré la conclusion quil y a deux sortes dacteurs : ceux qui ont de la chance et ceux qui nen ont pas »
Ce manque daudace et doriginalité se ressent également dans la mise en scène. En effet, jamais Fitoussi nimprime réellement sa patte visuelle à ce film. Avec des mouvements de caméras là encore sans originalité particulière et son visuel quelconque, « La vie dartiste » ressemble davantage à un téléfilm quà un vrai film de cinéma. La direction dacteur en revanche est plutôt correcte, dommage que le niveau de linterprétation ne soit jamais réellement au niveau de ce quon pouvait en attendre. Car pour un premier film, qui plus est choral, Fitoussi pouvait senorgueillir dune distribution prestigieuse avec entre autres Sandrine Kimberlain, Emilie Dequenne, Dennis Podalydès, Valérie Benguigui, Aure Atika, ou encore Jean-Pierre Kalfon. Bref, de quoi attiser les curiosités. Mais de manière générale, les acteurs sont en-dessous de ce quils donnent dhabitude. Ainsi, Denis Podalydès semble totalement à côté de la plaque dans un rôle certes mal écrit de prof frustré. Emilie Dequenne est elle aussi franchement en-dessous de ses possibilités. Ceci dit, les personnages sont tellement caricaturaux (les artistes sont égoïstes et imbus deux-mêmes) quil était sûrement difficile de faire beaucoup mieux. Seule Sandrine Kimberlain, dans son rôle dactrice de doublage, sen sort honorablement, arrivant à nous arracher quelques sourires lors de ses échanges quelque peu vachards avec sa sur.
« - Je pense quil est encore un peu tôt
- Je pense surtout que je nintéresse personne »
Variation sur la création artistique et le désir de reconnaissance, « La vie dartiste » est lexemple même du film ambitieux qui se plante par manque de créativité et daudace. Scénario convenu, situations éventées, et rebondissements téléphonés, rien ne marche jamais vraiment dans ce film. Dommage, car il sen dégageait un parfum de satyre du monde artistique qui pouvait être intéressant (star-system qui glorifie des gens qui nont pas forcément de talent, hasard des rencontres, ringardisation des artistes anciens et talentueux). Mais le tout sombre trop dans la grosse caricature pour que le message passe vraiment. Dautant que la mise en scène manque cruellement de singularité et doriginalité, et que le casting nest pas à la hauteur de lattente quil pouvait susciter. Résultat très décevant, donc, pour ce premier film qui savère plan-plan et sans saveur. Espérons pour lui que Fitoussi relèvera la barre pour sa deuxième réalisation.
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