Délivrance
« Vous ne regretterez pas la ballade ! »
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Quatre Américains de classe moyenne, Ed Gentry, Lewis Medlock, Bobby Trippe et Drew Ballinger décident de consacrer leur week-end à la descente en canöe d'une impétueuse rivière située au nord de la Géorgie. Ils envisagent cette expédition comme un dernier hommage à une nature sauvage et condamnée par la construction d'un futur barrage. Mais les dangers qu'ils affronteront ne proviendront pas uniquement des flots tumultueux de la rivière...
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« Si on sest perdu, jaime mieux ne pas le savoir »
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John Boorman réalise en 1972 « Délivrance », adaptation cinématographique du roman éponyme de James Dickey, publié deux ans auparavant. Après quelques films américains remarqués (on lui doit notamment « Le point de non-retour » en 1967 et « Duel dans le Pacifique » en 1968), Boorman, qui signe ici son cinquième long, se retrouve aux commandes dun projet à très petit budget (à peine de 2 millions de dollars !). Au point que ni la production du film, ni les acteurs nont été assurés pendant le tournage. Au point également que les acteurs assurent eux-mêmes leurs cascades (Cest bel et bien John Voigt qui escalade la falaise, Burt Reynolds se fracturera le coccyx et quelques côtes) et que les habitants des environs jouent les autochtones. A noter que le réalisateur voulait initialement Lee Marvin et Marlon Brando dans les rôles principaux mais que ceux-ci déclineront loffre, se considérant trop vieux par rapport aux personnages. Le film sera nommé trois fois aux Oscars de 1973 dans les catégories Meilleur Film, Meilleur réalisateur et Meilleur montage, mais repartira bredouille, face à « Cabaret » et surtout au « Parrain ».
« - On a vaincu cette rivière ! - Non. Elle est invincible. Croyez-moi ! »
Le retour à la nature na pas toujours du bon. Cest ce quaurait du savoir ces quatre amis partis faire une tranquille descente de canoë le long dun fleuve sauvage menacé de destruction par la construction dun barrage. Ainsi, sil semble critiquer dans un premier temps une certaine idée du modernisme qui a pour conséquence la destruction volontaire de régions naturelles encore sauvages, le réalisateur change assez vite son fusil dépaule. Car à linstar de ses autres films (« Duel dans le Pacifique », « La forêt démeraude »), il présente vite la nature comme un milieu hostile, indomptable et insondable, dont la dangerosité fait immanquablement ressortir la véritable nature de lhomme, son côté le plus obscur et ses instincts les plus bas, comme ses peurs et ses violences les plus primales. Commence alors une descente aux enfers au milieu de cette vieille forêt, peuplée dhabitants aussi peu accueillants que primitifs (et franchement consanguins). La réussite de ce « huis-clos en plein air » repose essentiellement sur lambiance que distille savamment John Boorman, avec une violence omniprésente et filmée sans concessions, qui monte crescendo tout au long du film, allant du mépris insultant au départ à la violence la plus physique et la plus animale (viol, meurtre et chasse à lhomme). Etouffant, le film lest ainsi dun bout à lautre. Dautant que Boorman détourne les codes traditionnels pour mieux enfoncer son spectateur dans une ambiance angoissante : leau, dordinaire purificatrice, devient le lieu où lon cache ses crimes, tandis que la musique, langage universel, ne parvient jamais à rapprocher deux les hommes, en dépit dune hallucinante et cultissime scène douverture, où banjo et guitare se répondent avant de jouer ensemble. Dailleurs, les quelques notes de banjo qui planeront par la suite au-dessus du reste du film nen deviendront que plus effrayantes. Allant à contre courant de la pensée du moment (le flower power voulu par les hippies, lémergence des courants de pensées écologistes), il sinterroge surtout sur la bestialité humaine, sur la faculté de lhomme à justifier ses crimes les plus sauvages et à ravaler toute notion de morale au nom de sa propre survie. Certains y verront à ce titre un pamphlet anti guerre du Vietnam. Film culte, souvent copié sans jamais être égalé, « Délivrance » demeure un must du genre. Embraquez-vous pour cette périlleuse descente, vous ne le regretterez pas !
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