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08 Nov

L'heure zéro

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films noirs-Policiers-Thrillers

« Je n’aime pas les romans policiers. Ils commencent par le meurtre alors que le meurtre est l’aboutissement, la conclusion. »

 

Studio CanalBretagne. Dans sa grande propriété à flanc de falaises de la Pointe aux mouettes, Camilla Tressilian reçoit quelques hôtes pour les vacances. On y retrouve en tête son neveu, Guillaume Neuville, riche playboy qu’elle a quasiment élevé et qu’elle considère comme son fils. Ce dernier est venu avec sa nouvelle épouse, l’exubérante Caroline, dont les manières vulgaires ne font pas l’unanimité. A l’inverse de sa première épouse, Aude, raffinée et discrète, appréciée de tous, et que Guillaume a invité à la surprise générale et au grand dam de sa nouvelle compagne. Ajoutons à cela la présence d’un ami d’enfance de Guillaume et d’Aude, Thomas, de retour d’une longue expédition à travers l’Asie, de Latimer, un ami de Caroline, et de la secrétaire particulière de Camilla, l’énigmatique Marie-Adeline. Tout ce beau monde cohabite et se croise au gré des paisibles journées de soleil breton, où seules les frasques de Caroline, jalouse de se retrouver sous le même toit que sa rivale, viennent troubler quelque peu le calme ambiant. Jusqu’au matin où l’on retrouve Camilla Tressilian assassinée dans son lit. Pour le Commissaire Bataille, aucun doute, l’assassin était dans la maison au moment du crime…

 

« Tout converge irrémédiablement vers l’heure du crime. L’heure zéro »

 

Danielle Darrieux. Hassen Brahiti / Studio CanalHistoires pourtant taxées par certains de poussiéreuses et de désuètes, Pascal Thomas récidive et signe la passe de deux en adaptant à nouveau Agatha Christie. Après « Mon petit doigt m’a dit », sorti en 2005, il signe donc « L’heure zéro », adaptation du roman « Towards zero », édité en 1944. Si la romancière a été pas mal adaptée au cinéma (« Dix petits indiens » de René Clair en 1945, « Témoin à charge » de Wilder en 1957, « Le crime de l’Orient Express » de Lumet en 1974, ou encore « Meurtre sur le Nil » de Guillermin en 1978), le genre, désuet, semblait ne plus passionné ni les foules, ni les cinéastes. Mais les années 2000, du moins en France, ont vu une sorte de mini engouement pour la réadaptation des vieux classiques de la littérature policière. Outre « Mon petit doigt m’a dit », on se souvient ainsi tous de la saga Rouletabille signée Bruno Podalydès (« Le mystère de la chambre jaune » en 2003 et « Le parfum de la dame en noir » en 2005). En tenant compte du fait que « Mon petit doigt m’a dit » a été un succès inespéré pour le réalisateur dont la carrière en dents de scie avait connu quelques traversées du désert consécutives à des échecs commerciaux (dont « Le grand appartement » sorti l’année dernière et qui n’avait pas trouvé son public), il n’est donc pas étonnant de le voir adapter une nouvelle fois la célèbre romancière anglaise. Histoire de tenter de renouer avec le succès ?

 

« J’observe ce crabe. Il fait le mort, mais en fait il est prêt à dévorer tout ce qu’il y a autour de lui. »

 

Melvil Poupaud et Laura Smet. Hassen Brahiti / Studio CanalL’adaptation des romans d’Agatha Christie est toujours un exercice périlleux tant ces histoires sont ancrées dans la mentalité d’une époque désormais largement révolue et tant les dénouements des intrigues sont improbables et souvent tirés par les cheveux (on est clairement à des années lumières des « Experts » !). Et cette histoire-ci, qui n’est et de loin ni la plus connue ni la meilleure de l’auteur, ne déroge pas à la règle : cottage de bord de mer, décor cosy, notables fortunés de province, autant le dire tout de suite, comme dans une bonne vieille partie de cluedo, l’enquête tend ici à prouver que l’assassin est bien le Colonel Moutarde avec le chandelier. Et si ce n’est pas lui c’est tout comme. Dans ces conditions, difficile de se passionner pour une enquête dont le dénouement, improbable et grand-guignolesque, se devine presque à l’avance. Et ce même si Pascal Thomas la développe du mieux qu’il peut. Mais comme dans la démarche de l’auteur, l’essentiel est ailleurs pour Thomas, à savoir dans l’atmosphère, dans la présentation des personnages et de leurs rapports, dont le crime ne va servir qu’à faire ressortir les aspérités. Et c’est dans sous cet angle que ce film est le plus réussi et le plus intéressant. En effet, comme dans « Mon petit doigt m’a dit », le réalisateur trouve et impose une tonalité parfaitement adaptée, très décalée, à la fois grave, austère et caustique. Même chose pour l’ambiance, qui, grâce à un gros travail sur les décors et les costumes, semble étrangement intemporelle, mêlant des éléments d’aujourd’hui et ceux des années 30-40. Si on ajoute à cela une lumière volontairement irréelle, on peut dire que Pascal Thomas réussit un agréable film d’ambiance.

 

« L’avantage d’être seul, c’est de pouvoir mourir n’importe où »

 

François Morel, Alessandra Martines et Danielle Darrieux. Hassen Brahiti / Studio CanalDommage cependant que sa mise en scène, qui veut jouer volontairement sur la lenteur relative du récit, soit aussi feignante, ne compensant jamais les faiblesses d’un scénario désuet et manquant de surprises. Sur le papier, le point fort du film était son casting hétéroclite. Mais là encore, on est loin du sans faute. Côté satisfactions, on notera l’enthousiasmante performance de François Morel, qui dote son personnage d’une interprétation toute en légèreté, collant au plus près à l’ambiance des romans originaux. Danielle Darrieux est (comme à son habitude) également très convaincante, tout comme la trop rare Alessandra Martines et Clément Thomas. Si Chiara Mastroianni semble un peu trop lisse et effacée, les grosses déceptions viennent de Melvil Poupaud, qui cabotine un peu trop, et surtout de Laura Smet, décidément la plus mauvaise actrice de sa génération. Agaçante, à côté de la plaque, ses scènes d’hystérie pure atteignent le summum du ridicule.

 

« - C’est facile, c’est le fric le mobile.

   - Non, c’est pire. Je crois que c’est la haine »

 

Melvil Poupaud. Hassen Brahiti / Studio CanalGenre à part auquel on peut être aussi bien fan qu’allergique, l’adaptation des vieux classiques surannés de la littérature policière donne souvent lieu à des projets originaux. Dans le cas de « L’heure zéro » on regrettera simplement que Pascal Thomas, pourtant passionné de romans, n’ai pas trouvé mieux à adapter que ce roman secondaire dans l’œuvre d’Agatha Christie. Archi prévisible, doté d’un dénouement des plus improbables, « L’heure zéro » est presque une caricature du roman policier façon Agatha Christie. Ce choix est d’autant plus dommage qu’à l’instar de « Mon petit doigt m’a dit », le réalisateur a pourtant su créer une ambiance bien particulière, intemporelle, entre froideur et causticité, et dont le succès est accentué par les jolies interprétations de Morel et de Darrieux. Sans être ni un échec ni une réussite probante, « L’heure zéro » est un petit film qui se laisse regarder sans déplaisir. De là à dire qu’il faut absolument le voir, il n’y a qu’un pas que je ne franchirais pas.

 Alessandra Martines, Chiara Mastroianni et Melvil Poupaud. Hassen Brahiti / Studio Canal    Laura Smet et François Morel. Hassen Brahiti / Studio Canal



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B
Vu l'avis général, je m'abstiendrai donc d'y jeter un oeil, pourtant fan d'Agatha Christie !Quand à Laura Smet, je n'en jeterai pas plus...
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F
Mieux vaut en effet ne pas franchir ce pas... MDR Je n'en ai retenu qu'une chose, pouvoir approcher la villa qui a servi du lieu de tournage. De Saint Malo je la vois souvent et me suis toujours demandé à quoi elle pouvait ressembler de près et quelle vue elle offrait. Ma curiosité a été satisfaite. Sur le reste, à part la très, mais très mauvaise Laura Smet mieux vaut ne pas s'attarder car j'aime bien Pascal Thomas
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