Mad Money
« Jai une théorie : le crime est contagieux, comme sil était dans lair, comme un virus que tout le monde se repasse et qui change profondément les gens »
Suite au licenciement de son mari et à laccumulation de leurs dettes, Bridget Cardigan, qui na jamais travaillé, se retrouve obligée de renoncer à sa vie bourgeoise et part donc en quête dun emploi. Malheureusement pour elle, son inexpérience et sa longue inactivité jouent en sa défaveur. Car qui voudrait recruter une femme de près de soixante ans qui ne maitrise même pas un traitement de texte ? Finalement, elle na dautre choix que daccepter un emploi de femme de ménage à la prestigieuse Réserve Fédérale. Institution on ne peut plus sécurisée, cest là quarrivent les vieux billets de banque prêts à être détruits. Difficile de ne pas être tenté dans un tel environnement. Surtout quand la plupart des employés occupent des postes mal payés et vivent dans des conditions difficiles. Il nen faut pas plus à Bridget pour réussir à convaincre la bouillonnante Nina et la fantasque Jackie de la suivre dans son stratagème qui pourrait bien les conduire à réaliser le casse du siècle, le tout sans armes ni violence.
« On est comme à Vegas ici : enfermées et surveillées, sans intimité au milieu dun gros tas de fric. Sauf quici personne ne samuse »
Remis au goût du jour par la saga des « Oceans » portée par George Clooney, les films de braquage et de casse ont le vent en poupe. Surtout quand il sagit den faire des buddy movie sans violence, retraçant avec humour ces casses aussi ingénieux que spectaculaires. Il nen fallait pas plus pour voir chaque faits divers du genre ayant défrayé les annales judiciaires faire lobjet dune potentielle adaptation sur grand écran. Cest le cas ici puisque ce « Mad Money » sinspire librement dun fait divers réel, en loccurrence le détournement de sommes colossales par des femmes des ménages et des ouvrières de la Banque dAngleterre dans les années 70. Pour tirer le meilleur parti de ce buddy movie féminin, pas étonnant de retrouver aux manettes la réalisatrice Callie Khouri, spécialiste des histoires damitié féminines fortes, comme en attestent son Oscar pour le scénario de « Thelma et Louise », ou son premier et précédent long, « Les divins secrets », sorti en 2002.
« Le secret ici : ne rien désirer. Ne pas même y penser »
Sorti dans lanonymat de lété, sans grande campagne promotionnelle, cette petite comédie qui sentait bon le navet navait à lévidence pas dautre prétention que celle de divertir. Un objectif des plus louables après tout. Cependant, si ce « Mad money » surfe sur la vague des films de casse spectaculaires, la réalisatrice se démarque des productions récentes du genre (« Oceans 13 », « Las Vegas 21 ») en sortant du cadre glamour de Las Vegas et de son univers impitoyable peuplé de femmes fatales et manipulatrices et de flambeurs aussi magnifiques que violents, pour prendre place parmi les petites mains affectées aux basses besognes dune administration prestigieuse. Lenvers du décor du rêve américain en quelque sorte, en totale opposition avec la folie des grandeurs et le rêve dargent facile de la célèbre cité des casinos. Un parti pris qui était totalement défendable et qui permettait de sortir potentiellement des sentiers battus, notamment en sintéressant à une certaine réalité sociale de lAmérique quon ne nous montre pas si souvent dans ce genre de divertissement, avec sa précarité (le mari de lhéroïne, pourtant haut placé perd son boulot ; le couple de Katie Holmes vit dans une caravane), son racisme ambiant (la black qui vit dans une sorte de ghetto où la venue dun blanc fait office dévénement local, largent lui sert notamment à pouvoir offrir une scolarité de qualité à ses enfants), et ses inégalités flagrantes, symbolisées par ces femmes qui travaillent pour des petits salaires et qui sont en contact permanents avec des sommes dargent considérables. Malheureusement, la peur de ne pas faire un film populaire et grand public (et donc rentable) semble perturber la réalisatrice qui nose pas aller jusquau bout de son parti pris, et qui ne peut sempêcher daller flirter avec le bling bling du plus mauvais goût, comme lorsque lune delle sachète une bague à 60.000 dollars, ou quune autre achète un camping-car géant. Une surenchère dans le mauvais goût et limprobable, sorte dode au consumérisme un peu beauf en totale inadéquation avec la réalité sociale montrée plus tôt, et qui souligne parfaitement la situation peut enviable de la réalisatrice, constamment le cul entre deux chaises. Du coup, la plupart des gags tombent à plat (peut-on vraiment imaginer quil suffisse de changer un cadenas dun chariot pour réussir un tel coup ? Et quune employée puisse se promener en danser dans les couloirs dun tel établissement sans rappel à lordre ?), et le film, beaucoup trop long, finit par être ennuyeux. Et ce en dépit dune scène darrestation collective plutôt lumineuse et jouissive, gâchée dans les ultimes minutes par un ridicule et inutile happy-end.
« Si largent nachète pas le bonheur, il achète tout le reste »
Dautant que la réalisation de Khouri savère assez plate, sans grand génie et sans grande ambition, plus proche de la qualité dun téléfilm que dautre chose. Tout juste pourra-t-on trouver un peu de charme à linterprétation, en particulier à celle de la pétillante Queen Latifah, et surtout au trop rare Ted Danson, à la fois caution dun peu de sérieux et dun humour assez décontracté. Petite déception en revanche pour Diane Keaton, dont le jeu est ici beaucoup trop caricatural pour convaincre. Avec son humour un peu ringard, « Mad Money » ne dépasse jamais son statut de petite comédie trop sage et trop prévisible, et un poil soporifique. Pas bien convaincant, sans intérêt aucun, mais totalement inoffensif.
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