Le gang Anderson
Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le gang Anderson » de Sidney Lumet.

« Un homme d’affaires vole une banque, on loue son succès et sa photo est à la une de tous les journaux. Un malheureux vole un journal, on le met en prison. Tout ça me révolte. »
A sa sortie d'une peine de dix ans de prison, le cambrioleur Duke Anderson retrouve sa maîtresse dans un hôtel de luxe. Reformant un gang avec l'aide d'un homme d'affaires baignant dans la mafia, il organise la mise à sac de l'immeuble et de ses richissimes occupants. Malheureusement, Duke est suivi par plusieurs équipes de surveillance qui en veulent aux personnages qu'il engage pour ce braquage de grande envergure...
« L’Amérique, je la trouve si belle que j’ai envie de me la faire ! »

Si la première partie de carrière de Sidney Lumet fut plutôt placée sous le signe d’un certain académisme formel et très inspirée par ses années de théâtre à Broadway (« Douze hommes en colère », « L’homme à la peau de serpent », « La mouette »), il entame les années 70 avec un cinéma plus moderne, plus énergique et résolument ancré dans la réalité de son époque, qui lui permettra notamment de critiquer les travers de la société américaine (cynisme, corruption) dans des films tels que « Un après-midi de chien », « Serpico » ou « Network ». Premier film de cette période dorée de la carrière du cinéaste, « Le gang Anderson », adaptation d’un roman de Lawrence Sanders, est un film de casse centré sur le cambriolage à grande échelle d’un immeuble de luxe, pour lequel nous suivrons toutes les étapes, du recrutement de ses membres à sa préparation jusqu’à sa réalisation. A l’évidence, l’originalité du film tient avant tout à son héros, le charismatique Duke Anderson (formidable Sean Connery, acteur fétiche du cinéaste), qui revient aux affaires après dix années passées en prison, bien décidé à réaliser le gros coup qui lui permettra de se ranger définitivement au soleil. Seulement voilà, le monde a bien changé durant ses dix années passées à l’ombre. La paranoïa collective a donné lieu à un monde sous surveillance permanent (écoutes, système vidéo, photos).
« Pourquoi irait-on se mouiller dans un coup irréalisable qui nous rapporterait de toutes façons moins que ce que nos books font en une semaine ? »

Le cinéaste pointe à cette occasion les dérives d’une société américaine devenue cynique et moralement corrompue, dans laquelle la fourberie (l’espionnage, les écoutes), les trahisons (l’homme de main à éliminer) et l’intérêt particulier ne laissent plus de place à l’amitié, à l’honneur ou à la parole donnée. A l’image du vieux prisonnier totalement perdu dans un monde qu’il ne reconnait plus ou de la maitresse du héros qui préfèrera le quitter pour rester avec son souteneur qui lui assure un très appréciable confort matériel. Comme si le Dieu Dollar était finalement devenu une valeur absolu dépassant même toute idée du bonheur. Avec sa bande de bras cassés qui compte à peu près tout ce que l’Amérique a mis à son ban (des ex-taulards, des noirs, un vieux, un homosexuel...), Anderson se lancera ainsi à corps perdu dans une entreprise où rien ne se déroulera comme prévu. Et pour cause, le tort d’Anderson sera de faire preuve d’humanité et de compassion (refusant la violence envers les femmes ou de ligoter un enfant handicapé) là où la société comme les représentants de l’état en sont désormais dépourvus. Avec son découpage très dynamique (notamment les auditions des témoins qui entrecoupent les scènes de casse) et ses effets plutôt malins (la caméra comme révélateur de la vérité des personnages, à l’image de la scène d’ouverture), Lumet signe là un polar novateur, accrocheur et dans l’air du temps qui préfigure les grands polars paranoïaques de la décennie à venir. Ironie du sort, derrière la paranoïa des écoutes, il annonce indirectement les grands scandales politico-médiatiques à venir, notamment le Watergate qui secoua durablement l’Amérique à peine trois ans plus tard. Le tout avec une pointe d’humour ironique qui n’a d’égal que la mélancolie qui se dégage de l’ensemble.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de trois présentations signées Bertrand Tavernier, François Guerif et Patrick Brion.
Edité par Sidonis Calysta, « Le gang Anderson » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 13 juin 2017.
Le site Internet de Sidonis Calysta est ici. Sa page Facebook est ici.
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