Tartarin de Tarascon
Un grand merci à Pathé pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Tartarin de Tarascon » de Raymond Bernard dans sa version restaurée HD.
« Vous venez de Paris ? Vous avez un drôle d’accent ! »
Tartarin est un bourgeois fanfaron et robuste qui vit à Tarascon, sa réputation repose sur des récits de voyages et d'aventures, plus ou moins inventés.
Il se voit alors obligé de quitter son pays et rejoindre l'Afrique pour y chasser le fauve afin d'impressionner son entourage. Là-bas, il vivra des aventures dignes d'un Don Quichotte !
« L’homme du midi n’est pas un menteur : il ne dit pas la vérité mais il croit la dire. Son mensonge à lui n’est pas un mensonge, c’est une espèce de mirage. Le seul menteur du midi, c’est le soleil ! »
Fils du grand dramaturge Tristan Bernard, Raymond Bernard baigne depuis son plus jeune âge dans l’univers du spectacle, développant de vraies dispositions pour la scène. Il débute ainsi au cinéma en 1916, comme comédien, face à la grande Sarah Bernardt. Dès l’année suivante, il réalise son premier film, « Le ravin sans fond », adaptation d’un texte de son père. Il entame ainsi une prolifique carrière de réalisateur qui durera tout au long des années 20. Mais c’est au début des années 30, avec l’avènement du parlant, que le réalisateur signe ses plus grands succès, avec « Les croix de bois » (1932), d’après le roman de Raymond Dorgelès puis avec « Les misérables » (1934) d’après Victor Hugo, avec Harry Baur et Charles Vanel dans les rôles principaux. La même année, il se lance dans l’adaptation d’un autre classique de la littérature : « Tartarin de Tarascon », d’après Alphonse Daudet, dont les premières aventures sont publiées en 1872. Il s’agit là de la deuxième adaptation au cinéma du personnage, après un premier essai par Georges Méliès en 1908. A cette occasion, Raymond Bernard s’adjoint les services d’un enfant du pays provençal, Marcel Pagnol, qui connait en ce début des années 30 un succès populaire fulgurant (il vient d’écrire la trilogie provençale « Marius », « Fanny », « César », adaptée avec succès sur grand écran, quelques mois plus tôt et vient de se lancer lui-même dans la réalisation) et qui signe ici l’adaptation et les dialogues du film. Pour la petite histoire, une troisième version, signée Francis Blanche avec Bourvil dans le rôle principal sera également tournée en 1962.
« Je n’ai pas peur de l’Afrique. J’ai peur de quitter Tarascon. C’est pas pareil ! »
Avec « Tartarin de Tarascon », Raymond Bernard poursuit sa série d’adaptations des classiques de la littérature française au cinéma. Pour autant, après plusieurs drames poignants, le film lui permet de revenir à la comédie et à un cinéma beaucoup plus léger. Car avec son immense collection d’armes et ses épiques récits de chasses exotiques, Tartarin est un personnage par excellence pittoresque et burlesque. Une sorte de gentille caricature du méridional « fort en gueule », généreux, exubérant et surtout légèrement mythomane. De prime abord, le film se révèle être une adaptation plutôt fidèle des écrits de Daudet. A ce titre, le travail d’écriture et d’adaptation réalisé par Pagnol est tout à fait remarquable, notamment dans la finesse d’écriture des dialogues, qui se révèlent savoureux et truculents. A l’image des réparties de Tartarin ou des scènes montrant la propagation des rumeurs à son encontre. Néanmoins, le film souffre de quelques problèmes de rythmes (toujours problématiques quand il s’agit d’une comédie), connaissant quelques essoufflements et autres baisses de régime à mi-parcours. A ce titre, le dernier tiers du film, consacré à l’expédition africaine de Tartarin l’apprenti-chasseur, a tendance à tirer un peu la patte. Certes, cette chasse au lion qui s’apparente davantage à une chasse au dahu est plutôt amusante. Mais l’introduction d’un faux prince monténégrin et son stratagème un peu (trop) grossier pour détrousser notre héros s’étire trop sur la longueur. Surtout, ces scènes semblant toutes droit sorties d’un film muet apparaissent bien désuètes de nos jours. Reste la prestation de l’immense Raimu, à l’évidence né pour interpréter Tartarin. Le verbe haut et grandiloquent, exubérant tout en restant magnifique de naïveté, il livre là une composition de très haut vol, jusque dans ses attitudes et sa démarche physique. De quoi ravir les amateurs de l’acteur qui se régaleront de sa performance, et de rappeler aux autres spectateurs l’immense acteur qu’il fut. D’ailleurs, le charme de ce film désuet lui est dû en grande partie.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans une version intégralement restaurée à partir d’un master 2K. Il est proposé en version originale française. Aucun sous-titrage optionnel n’est proposé. Côté bonus, il est accompagné d’un module documentaire « Raimu, le plus grand acteur du monde » (18’), agrémenté d’entretiens avec Micheline Boudet, Karin Hann, Isabelle Nohain-Raimu et Nicolas Pagnol.
Edité par Pathé, « Tartarin de Tarascon » est disponible dans une très belle édition combo DVD + Blu-ray depuis le 1er juin 2016.
« La fin du jour », « Voici le temps des assassins », « La belle équipe » et « Justin de Marseille » sortent simultanément dans la même collection.
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